Impressions sur : La face cachée de Margo

Derrière les apparences

Bonjour (bonsoir) à tous!

Dans ces nouvelles impressions, on ne va pas parler d'un comics (même si ça reviendra très bientôt), mais d'un roman ayant une certaine aura. Ayant eu droit à une adaptation cinématographique récente, avec une star montante (on va dire ça comme ça) d'Hollywood, en la personne de Cara Delevingne (qui apparaîtra dans Suicide Squad également), La face cachée de Margo a bénéficié d'un certain succès en librairie. Donc aujourd'hui, on se plonge dans le mystère de cette jeune femme qu'est Margo Roth Spiegelman. Attention, il est possible que l'article contienne de très légers spoilers.

Dans un premier temps, on va revenir sur le pitch de ce roman pour adolescents (même si tout le monde peut le lire évidemment :) ) signé John Green, bénéficiant lui aussi d'une certaine aura dans le domaine désormais. Le personnage principal de l'histoire n'est pas Margo, comme on pourrait le penser de prime abord, mais un lycéen de dix-huit ans, Quentin, appelé simplement Q. par ses amis (oui, en français, ce n'est pas très harmonieux il faut en convenir). Les deux jeunes gens se connaissent depuis leur plus tendre enfance, mais ne sont plus en contact direct depuis de nombreuses années, peu ou prou à l'arrivée de l'adolescence. Rien que sur ce point, n'importe qui peut comprendre la situation pour l'avoir déjà expérimentée. Bien sûr, Quentin est amoureux de Margo. Alors, quand cette dernière l'entraîne dans une nuit vengeresse, que l'adolescente a prévu par le biais d'une liste en onze étapes, Quentin n'hésite pas vraiment.

Et donc, Margo va se venger de ses amis qui l'ont déçue d'une manière ou d'une autre, de son petit-ami qui la trompe, tout en ayant une visée supérieure à cette simple vengeance. Jusque-là, tout est normal (!), mais le lendemain, Margo ne se présente pas au lycée, alors que Quentin attendait avec impatience de la revoir et de reparler de cette nuit. Visiblement, elle a fugué. Comme elle est coutumière du fait, personne ne s'en fait plus que ça (ses parents étant pour le moins spéciaux), excepté Quentin qui va se lancer sur ses traces.

Voici l'affiche du film

Car Margo semble lui avoir laissé des indices pour qu'il la retrouve. La conviction de Quentin est renforcée par le fait que, lors de ses précédentes fugues, Margo avait effectivement laissé des indices à ses parents pour qu'ils la retrouvent. Le roman prend alors la forme d'une enquête relativement passionnante à suivre dans le sens où l'on ne s'ennuie guère, malgré quelques baisses  de rythme par moment. On a envie de savoir ce qui est passé par la tête de Margo, de savoir où elle est et si elle va bien. Car, en effet, au bout d'un certain temps (environ la moitié du bouquin), on se demande si elle ne s'est pas simplement suicidée. Plus on la découvre, et plus on saisit son caractère dépressif, prenant les choses très (très) à coeur (après tout, c'est là le propre de l'adolescence).

Par un style sans grande fioriture, hormis les moments poétiques plus ou moins bien vus selon les cas, simple, vif, et plutôt sensible sans en rajouter inutilement, on est happé par l'histoire et cette volonté de découvrir Margo. Car, au final, il s'agit moins de savoir où elle est et ce qui lui est arrivé -même si ça reste un élément important- que de découvrir qui se cache réellement derrière ce personnage impressionnant et rempli de mystères qu'est Margo. On comprend vite que son attitude par rapport aux autres, et ce qu'elle montre, n'est pas forcément ce qu'elle est. Son nom de famille, Spiegel, signifiant "miroir" en allemand, est certainement assez révélateur. C'est simple? Oui, sans doute, mais c'est aussi universel, car n'importe qui peut appréhender un tel élément. Après tout, ne jouons-nous pas tous à être différents de ce que l'on est réellement, du moins avec certaines personnes et dans un certain contexte?

Paper towns, littéralement "les villes de papier", est le titre VO

Au-delà de tout, ce qu'il est intéressant de voir dans cette histoire, ce n'est pas le pouvoir de l'amour (loin de là), ou même de découvrir qui est réellement Margo, mais la façon dont ses fréquentations, et en particulier Quentin, la perçoivent, ce que chacun projette sur elle. Au final, tout le monde, y compris Quentin, y compris Margo elle-même, a une part de responsabilité dans la manière dont elle agit, et dans sa décision de partir.

Au final, comme le sous-entend Margo elle-même, ce qui compte, c'est le départ. Là encore, n'importe qui peut comprendre l'envie, le besoin, de simplement partir, de quitter un certain quotidien. En ce sens, Margo est l'antithèse de Quentin qui, certes, s'encanaille (oui, j'utilise des termes de 1740, et alors? ;) ) au fur et à mesure du livre, mais reste quelqu'un heureux dans le quotidien, la routine. Ainsi, même s'ils partagent clairement un lien unique, aucun avenir n'est possible pour eux, ce que l'on comprend très vite. L'auteur a la bonne idée de ne pas livrer un happy-end guimauve, évitant ainsi de prendre son public pour des crétins sous prétexte que ce sont des ados (contrairement à d'autres, vous voyez de qui je veux parler, n'est-ce pas?). Il garde néanmoins une certaine tendresse pour ses personnages, et dans son regard sur l'adolescence, plutôt bienvenue et rafraîchissante. Alors oui, le final manque d'enjeux et en retire du reste du livre, car avant toute chose, l'histoire se passe dans la tête de Quentin. Tout ce qui arrive arrive, mais ce sont les projections de Quentin qui font avancer le récit. Cette fin est tout à fait en adéquation avec le reste du livre, et clôt l'histoire en gardant des points de suspension pour l'avenir (logique...), mais en contrepartie retire de l'enjeu.

Margo en chair et en os dans un moment critique

La face cachée de Margo est un livre très agréable à suivre, et qui se lit vite, de manière générale plus léger que Nos étoiles contraires du même auteur, et l'on se prend à s'impliquer dans ce jeu de pistes (avec quelques faux-semblants) pour retrouver Margo. Les personnages sont suffisamment attachants et, malgré quelques baisses de rythme par moment et une fin qui peut décevoir par certains aspects, on tient un bon livre, plutôt sensible et juste, captant au moins certaines formes de l'adolescence, avec recul et tendresse, relativement loin des clichés.

Traynor